Le tour d’Europe des vins insolites

Isabelle Curet

Publié le : 27/10/15 16:37

Photos issues du livre « Vins insolites » aux Éditions Jonglez (©Thierry Joly, ©Grotta del Sole, ©Pierrick Bourgault)

Issus de vignes de 15 mètres de haut ou emmurées, tous les vins ne respectent pas les codes habituels. Pierrick Bourgault, auteur du livre « Vins insolites », nous emmène à la découverte de ces vins rebelles et rares, à la recherche de saveurs parfois oubliées.

 

 

  1. Italie : les vignes de géant Récolte des vignes géantes (©Grotta del sole)
    Récolte des vignes géantes (©Grotta del sole)

    Près de Naples, en Campanie, il faut une échelle pour cueillir le raisin dans des vignes de 15 mètres de haut. Ici, pas de piquets : les vignerons laissent cette plante grimpante s'enrouler autour des peupliers, arbres qui poussent bien droit et dont les petites feuilles ne produisent pas d'ombre. Surchargée, la vigne n'a pas assez de sève pour nourrir tous les grains. Les raisins ne mûrissent donc pas complètement. On utilise intelligemment cette belle acidité pour produire le vin effervescent Asprinio d’Aversa, dont une bouteille coûte environ 10 euros. Pour la petite histoire, la culture de la vigne en hautain date de l'Antiquité romaine et les vignes de la région d'Aversa ont une centaine d'années.

  2. Géorgie : le vin d'amphore
    ©Pierrick Bourgault

    Lever son verre en Géorgie constitue un véritable voyage dans le temps. Le vin d'amphore d'aujourd'hui est le même que celui qu'on buvait il y a 6 000 ans. C'est une tradition tenace dans un pays souvent envahi. Ici, on a pris l'habitude de stocker des vivres et du vin dans des grandes amphores et de les enterrer dans les champs, pour que les productions locales soient en sécurité. Pour faire du vin, les paysans mettent les grappes entières dans les amphores puis les cassent avec un bâton. Ils enlèvent ensuite, avec un panier, le bois des grappes. Ils laissent le jus de raisin fermenter, puis ils le transvasent d'amphore en amphore, en n'oubliant pas de le filtrer avec un linge. On obtient au final un vin nature qui dégage un goût de cidre. En Géorgie, nombreux sont ceux qui fabriquent eux-même leur vin en utilisant cette technique ancestrale.

  3. Portugal : les vignes emmurées des Açores
    ©Thierry Joly

    Comment cultiver la vigne sur un territoire volcanique et montagneux, balayé par le vent et les embruns maritimes ? Pour résoudre cette équation, les Açoréens ont creusé des trous dans les coulées de lave émise par le volcan Pico et construit des milliers de « currais », des murs en basalte autour de minuscules parcelles. Un travail de titan pour protéger des vignes qui donnent des raisins très sucrés et un vin blanc liquoreux sous ce climat très ensoleillé. Le verdelho de l’île de Pico se déguste dans un verre et aussi avec les yeux, puisque ce paysage viticole a été inscrit au Patrimoine mondial de l'humanité par l’Unesco en 2004.

     

  4. Italie : le vin de la lagune de Venise ©G.Bombieri
    Une bouteille d’Orto di Venezia (©G. Bombieri)

    Un producteur de télévision français qui s’amourache de jardins abandonnés sur l’île de San Erasmo à Venise. Des voisins paysans sceptiques. Une vigne réfractaire au sel. Au milieu des vents contraires, Michel Thoulouze a pourtant su faire renaître les vignobles de Venise disparus depuis deux siècles. Il produit désormais, à partir de vignes anciennes, un vin blanc peu parfumé mais avec beaucoup de structure, qui a le charme des vins nature et se marie très bien avec les produits de la lagune sur laquelle il est produit. Sa réussite est devenue la fierté de la ville. Vous trouverez facilement à Venise une bouteille d’Orto di Venezia. Comptez pour cela un peu moins de 30 euros. 

     

    Pierrick Bourgault  est l’auteur de Vins insolites aux Éditions Jonglez. Lauréat du Grand prix du journalisme agricole de l’Afja, il a compilé en un seul ouvrage une cinquantaine de curiosités viticoles.